ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 15 Mai 2004


SAMEDI 22 MAI 2004

22.35 Arte

Musica : Les héritiers de Liszt

Un documentaire sur l'école hongroise du piano et son maître, Zoltán Kocsis

JÁNOS DARVAS, réalisateur de ce documentaire, avait déjà mis l'accent, dans Igor Stravinsky, compositeur (2003), sur les moyens de transport mais on pouvait penser que les archives n'étaient riches que de descentes d'avion, de train ou de taxi. Ici, ce sont les tramways, le métro, les autobus et les planches à roulettes qui, avec la complicité des amoureux, rythment le film et nous persuadent que Budapest est une ville absolument comme Londres, Berlin ou Paris. Est-ce une façon de donner raison à Zoltán Kocsis, l'un des plus grands pianistes hongrois de sa génération, quand il affirme « Nous avons dans notre sang, dans nos gènes, quelque chose que ne connaissent pas les musiciens occidentaux », car, en dehors de ce toucher électrique, « cette même façon d'appeler le son du piano », les habitants de Budapest n'ont pas l'air bien différents de nous.

En musique, donc, c'est autre chose. Pourtant les étudiants qu'on voit travailler sous la direction de Kocsis sont loin de trouver sur leur piano ce que le maître leur montre sur le sien. Souvent, il est vrai, les séquences sont si brèves qu'à moins d'avoir étudié l'oeuvre, on ne saisit pas où se trouve l'enjeu de tel accent, de tel phrasé. On peut trouver cela normal si l'on considère que la musique est un art hermétique, mais on voit bien, quand le réalisateur prend le temps de s'attacher à un sujet, que Kocsis ne jongle pas seulement avec les mots et les notes quand il essaie de faire saisir comment rendre le chant d'une pleureuse ou explique comment Brahms, aussi hongrois que Liszt à son avis, laisse deviner l'écho du cymbalum dans les suspensions de son Intermezzo en La mineur à condition, bien sûr, de le jouer d'une certaine façon.

Et Liszt dans tout cela ? « Il est avec chaque pianiste, hongrois ou non, dès qu'il pose les mains sur un clavier : il a ouvert la route du piano moderne. » D'ailleurs Liszt procède de Beethoven dont il a digéré toute la musique ; puis de Paganini, « qu'il a rêvé d'égaler sur son piano ». Et, naturellement, « de Berlioz et de Wagner. Sa façon d'enseigner, fondatrice de l'école hongroise, était plutôt celle d'un gourou, ce que je ne trouve pas si mauvais : pour faire comprendre le rubato, il montrait l'effet du vent sur les feuilles des arbres ». On retiendra aussi les belles images de Pál Kadosa, le maître de Kocsis, qui en est bien l'héritier.

Gérard Condé
 

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